Chers lecteurs,
Nous nous retrouvons cette année, sur le thème "Soyons Espérance" ; 3 lettres seront publiées en avril, août et décembre.
Vous trouverez ci-après notre première lettre, dans laquelle nous vous proposons divers textes pour alimenter votre réflexion.
En français, deux mots pour exprimer cette attente : "espoir" et "espérance". En espagnol et en anglais, un seul mot : "esperanza" et "hope".
L'espérance s’oppose à la crainte, au découragement, au désespoir, à l’inquiétude.
"La volonté d’espoir, quand il n’y a plus d’espoir, s’appelle l’espérance", disait Jean-François Deniau, ancien ministre lourdement affecté par une maladie incurable.
L’espoir est un sentiment plus profane que l’espérance, c’est le fait d’attendre, de désirer quelque chose de meilleur pour soi et pour les autres : espoir d’une guérison, bon espoir de réussite.
"L’espérance, ce n’est pas l’espoir que tout finisse par s’arranger, mais la certitude intérieure que tout a un sens", Vaclav Havel.
L’espérance est une confiance pure et désintéressée en l’avenir. C’est une vertu chrétienne qui trouve son origine dans le Judaïsme : les croyants attendent de Dieu avec confiance, sa grâce en ce monde et une vie éternelle après la mort.
"L’espérance nous invite à reconnaître qu’il y a toujours une voie de sortie, que nous pouvons toujours repréciser le cap, que nous pouvons toujours faire quelque chose pour résoudre les problèmes", Pape François.
"Qui n’a pas vu la route, à l’aube, entre deux rangées d’arbres, toute fraîche, toute vivante, ne sait pas ce qu’est l’espérance. L’espérance est une détermination héroïque de l’âme et sa plus haute forme est le désespoir surmonté."
"L’espérance est un risque à courir. C’est même le risque, des risques."
Pour lui, l’optimisme et le pessimisme ont en commun de ne pas faire place au réel. Le choix alternatif est celui de l’espérance, qui est toujours une victoire, donc un risque.
"Le grand malheur de la société moderne, sa malédiction, c’est qu’elle s’organise visiblement pour se passer d’espérance comme d’amour ; elle s’imagine y suppléer par la technique, elle attend que ses économistes et ses législateurs lui apportent la double formule d’une justice sans amour et d’une sécurité sans espérance."
Dans "La petite espérance" (1912), il compare l’espérance à une "petite fille de rien du tout" :
"La foi que j’aime le mieux, dit Dieu, c’est l’espérance.
Ce qui m’étonne, dit Dieu, c’est l’espérance.
Et je n’en reviens pas.
Cette petite espérance qui n’a l’air de rien du tout.
Cette petite fille espérance.
Immortelle...
L’espérance est une petite fille de rien du tout...
C’est cette petite fille qui, pourtant, traversera les mondes.
Cette petite fille de rien du tout.
Elle seule, portant les autres (vertus : foi et charité) ,qui traversera les mondes révolus.
Comme l’étoile a conduit les 3 rois des fins fonds de l’Orient
Vers le berceau de mon fils.
Ainsi une flamme tremblante.
Elle seule conduira les Vertus et le Monde."
Pour lui, l’espoir n’est pas l’espérance. L’espoir, c’est l’entretien des illusions. L’espérance, c’est l’ouverture vers un autre monde, une mise en marche de l’homme pour acquérir sa liberté, même s’il sait que sa démarche est désespérée.
Dans son ouvrage de 1953, intitulé "La liberté, pour quoi faire ?", il cite les mots de Bernanos : "L’espérance est une vertu héroïque. On croit qu’il est facile d’espérer. Mais n’espèrent que ceux qui ont le courage de désespérer des illusions et des mensonges où ils se trouvaient une sécurité qu’ils prenaient faussement pour de l’espérance."
"Ce ne sont pas les idées qui ont sauvé le monde, ce n'est pas l'intellect ou la raison, mais bien au contraire : ces folles espérances des hommes."
"L'espérance appartient à la vie, c'est la vie elle-même qui se défend."
"Je crois que notre devoir est l'espérance, l'espérance probable, l'espérance crédible."
"Pour moi, l'espérance est quelque chose que j'ai au réveil, que je perds au petit-déjeuner, que je récupère quand j'attrape le soleil dans la rue et qui, après avoir marché un moment, se déplace pour tomber par un trou dans ma poche. Et je me dis : "Où est l'espérance ?" Et je la cherche et je ne le trouve pas. Et puis, tendant l'oreille, je l'entends là, coassant comme un tout petit crapaud, m'appelant de tous les pâturages. Je l'ai, je la perds à nouveau. Parfois je dors avec elle et parfois je dors seul. Mais je n'ai jamais eu une recette d'espérance achetée dans un magasin de couture et de confection, une espérance dogmatique. C'est une espérance vivante et, par conséquent, non seulement elle est à l'abri du doute, mais elle se nourrit du doute." - Article paru dans le journal La República de Montevideo
"L'espérance est un risque que nous devons prendre." - "Le livre des câlins"
Il dit qu'il y a encore de l'espérance, que la vie est plus éternelle que la mort, il dit que nous devons continuer à poursuivre nos rêves, que nous devons corriger nos erreurs, que nous devons nous rendre dignes et que, même si les temps du choléra viennent, il y aura un espace pour l'amour, pour réaliser des rêves, pour le bonheur. Et il dit que la douleur fait partie du bonheur de demain, qu'il faut poursuivre les rêves...
"C'est une merveilleuse vérité que les choses que nous désirons le plus dans la vie - un sens de l’à-propos, le bonheur et l'espérance - ont été plus facilement obtenues en les donnant aux autres."
"Quiconque a vu l'espérance ne l'oublie pas. Il la cherche sous tous les cieux et parmi tous les hommes."
"Dans le judaïsme, l’espérance juive est l’attente de l’intervention de Dieu dans l’humanité : chaque jour, notre prière de l’après-midi, la Amida, se termine par l’appel de la paix que le Seigneur fera venir sur nous. En suivant les commandements de la Torah, l’homme est également appelé par ses efforts sur lui-même à réparer le monde." - Rabbin Yeshaya Dalsace
"L’espérance des musulmans est tournée vers Dieu. L’espérance est indissociable de l’amour et de la crainte (les trois stations de la foi). L’espérance ne peut être vécue individuellement que si elle a une portée collective et universelle. Aime et espère pour autrui ce que tu aimes et espère pour toi-même... En étant miséricordieux à notre tour, nous serons pour eux un secours et une espérance." - Imam Ahmed Miktar
L’espérance est une des trois vertus théologales avec la foi et la charité : vertu qui doit guider les femmes et les hommes formant l’humanité dans leur rapport au monde et à Dieu, dont l’objet principal est le salut, la béatitude éternelle, la participation à la gloire de Dieu. Cette vertu qui dispose le chrétien à mettre sa confiance dans les paroles du Christ, à prendre appui non sur ses forces, mais sur le secours de la grâce du Saint Esprit, le conduit par le fait même à résister au mal et à l’épreuve et à garder confiance en l’avenir. L’espérance s’exprime et se nourrit dans la prière. Elle se différencie de l’espoir en lui donnant, sous le regard de la foi, une perspective d’éternité.
"L’homme ne peut vivre sans espérance et l’éducation est génératrice d’espérance. En effet l’éducation fait naître, elle fait grandir, elle se situe dans la dynamique du don de la vie, et la vie qui naît est la source la plus jaillissante d’espérance, une vie tendue vers la recherche du beau, du bon, du vrai et de la communion avec les autres pour une croissance commune." - Pape François
Dans l'expression "À la grâce de Dieu... advienne que pourra", on s'en remet à Dieu, à la Providence, à la chance. Ces expressions viennent de "À Dieu vat", qui signifie que tout ce qui pouvait être fait a été fait, et que la suite ne dépend plus des personnes sauf de Dieu, ou de la chance pour l’incroyant.
Chez les Musulmans, on dit "Inch'Allah" pour évoquer une action à réaliser dans l’avenir, on s’en remet au destin, à Dieu. On pourrait traduire par : "Si Dieu le veut, si Dieu le permet".
Proverbe russe : "Au pays de l’espoir, il n’y a plus d’hiver."
"L’espérance transforme le monde… Loin d’être une fuite hors du réel, l’espérance est une exigence, une faculté d’anticipation qui donne l’énergie de construire ensemble un monde plus juste, plus solidaire, plus équitable… Contre les forces et les discours qui cherchent à répandre la haine, la division et la vengeance, le racisme et le repli sur soi, l’espérance offre un antidote plus nécessaire que jamais."
"Espérance, souffle de vie
Souffle saccadé de la mère qui met au monde son enfant,
Vent puissant qui rompt les amarres de l’enfance,
Brise providentielle qui dissipe nos incertitudes,
Souffle fortifiant créateur de vie sur les rivages hostiles,
Bourrasque qui emporte au delà vers une joie profonde.
Espérance, chemin de vie
Chemin qui s’offre à nous dès le premier jour,
Sentier de rocaille qui nous guide loin des abîmes,
Terre de sable qui scelle les pas des amants éternels,
Route éclairée dans l’obscurité des forêts profondes,
Terre d’accueil pour nos anciens qui s’entrouvre vers la vie.
Espérance, feu ardent
Feu qui dévore nos doutes et nos défiances,
Étincelle source de lueur qui éclaire nos esprits,
Flammes qui réchauffent nos âmes assombries,
Brasier qui enflamme nos cœurs transis,
Braises apaisantes à la tombée de la vie.
Espérance, ciel éternel
Ciel éclatant de la joie des amants contemplant le soleil,
Voûte céleste bienveillante qui reçoit nos prières,
Ciel rougeoyant et réconfortant face à la douleur du crépuscule,
Nuit étoilée qui veille paisiblement les êtres aimés disparus,
En leur offrant l’espérance éternelle, ton espérance."
L’espérance, une conviction intérieure qui nous permet de tenir dans l’épreuve et d’avancer malgré les ténèbres.
Souvenir de juillet 2014, à Erbil avec le Patriarche Sako :
Les Chrétiens viennent d’être expulsés de Mossoul. Ils sont là, abattus. Les familles n’ont pas été disloquées, il n’y a pas eu de morts, mais tous ont dû quitter leur maison et leur ville, en laissant tout derrière eux. Les larmes viennent sur les visages ; je les vois couler aussi des yeux du pasteur. Puis, soudain, le récit dérive. "C’est fini ; il n’y a plus d’avenir pour nous !"
Aussitôt, je vois mon cher Patriarche se dresser et apostropher ses fidèles : "Ne faites pas de péché de désespoir. Vous souffrez déjà assez comme ça !" L’espérance chrétienne, ce n’est pas l’illusion que la situation va s’améliorer demain. On n’allait pas dire à Jésus, le soir du Jeudi Saint : "Ne t’en fais pas. Judas vient de te trahir, mais demain ça ira mieux !". Non, le lendemain, on le couronnait d’épines et il mourait sur la croix ! Alors, dans un grand cri, Jésus. dit : "Père, entre tes mains, je remets mon esprit." (Lc 23, 46)
Et Mgr Sako d’expliquer : "La voilà, l’espérance chrétienne. C’est la conviction que, même si nous traversons de terribles épreuves, nous resterons toujours entre les mains d’un Dieu qui nous aime comme un Père."
Espérer, c’est respirer
La Bible nous enseigne que l’homme naît du souffle de la vie que "Yahvé lui a soufflé dans les narines". "Celui qui renaît du souffle est libre comme le vent", nous murmurent les évangiles. Le souffle ? Nul ne sait d’où il vient ni où il va : il est ce qui nous emporte plus loin que le présent. Seigneur, transforme-moi en être mobile, curieux de respirer un air toujours différent.
Espérer, c’est marcher
Marcher est une merveille qui dit que nous ne sommes pas attachés à un milieu donné, que nous cherchons toujours notre chemin. Nous n’arrêtons pas de changer, éprouvant que nous n’advenons à nous-mêmes qu’en nous dépassant toujours. Seigneur, donne-moi de repartir à nouveau et à nouveau.
Espérer, c’est être en route
Nous ne sommes pas arrivés et nous cherchons encore le but. L’homme n’est ni d’ici, ni d’ailleurs. Il est entre deux, il advient sans cesse. Nous sommes des migrants. Seigneur, apprends-moi à aimer cette grande migration qu’est la vie.
Espérer, c’est désirer
C’est-à-dire vivre dans le monde comme si nous ne pouvions nous résoudre à en rester là. Nous ne sommes jamais satisfaits des demeures établies. Où que nous habitions, nous regardons plus loin, vers des futurs. Seigneur, cultive en moi l’énergie du désir.
Espérer, c’est imaginer
L’homme n’est jamais tout à fait là où ses pieds le posent. Il est plus grand que ce qu’il est. Celui qui espère peut traverser des murs. Seigneur, éveille en moi l’inimaginable de ta Parole.
Espérer, c’est être pétri d’avenir
Notre histoire ne cesse de nous attendre. Pour devenir ce que nous ne sommes pas. L’homme part pour être lui-même. Et il ne devient qu’à la condition de savoir passer. Nul ne se trouve que s’il accepte de se perdre. Seigneur, fais-moi passer, traverser, aller de moi vers l’autre.
Espérer, c’est faire confiance en l’avenir
S’en remettre "à la grâce de Dieu", c’est-à-dire être par ce qui vient, par les autres, par les événements. Espérer, c’est accepter de se laisser faire et de naître en toute rencontre. Celui qui espère ose s’en remettre à l’autre. L’espérance est un geste qui nous engage dans une partie risquée dont nul ne sait l’issue. Seigneur, devant toi, avec toi, je dis "oui" à l’inconnu de la vie.